Maybe I'm overusing Messenger...
On s'est rencontrés pour la première fois en avril... Je n'ignore
pas que le reste de la population humaine t'avait découvert depuis des
années-lumières, mais Dieu sait que j'ai rattrapé le temps perdu
depuis. Le fait est qu'à présent, je commence à me poser des questions sur notre relation.
Certes, nous avons passé toutes nos soirées d'été ensemble (à défaut de
partir en boîte), et je ne l'ai pas regretté. Mais ce matin, un déclic
s'est produit. Un évènement qui m'a fait prendre conscience de
l'importance que tu as pris dans ma vie, en l'espace d'une saison. Je
sortais du supermarché, mes courses à la main, et voilà que sur le
parking, un homme interpelle son ami d'un ton rigolard : "Hey Mario !"
, comme dans la pub. Ma réaction ? Je pense : "Loooooooooooool".
AAAAAAAAAARGH
! Je réalisais à quel point ces longues heures passées à discuter
jusqu'à une heure avancée de la nuit avaient eu leur effet sur mon
subconscient. Et plein de petits indices qui auraient dû m'alerter me
sont revenus, comme autants de petits phosphènes dansant devant mes
globes oculaires...
D'abord, j'étais devenue une harceleuse de
première classe, à l'affût de la moindre adresse se terminant par
@chaudmail.com, sur laquelle je me jetais d'un clic de souris sans
pitié afin de l'ajouter à mes contacts.
Je
laissais aussi libre
cours à l'obsession que j'avais d'une orthographe correcte, n'hésitant
pas, à l'issue d'une conversation, à la corriger et à la renvoyer à mon
interlocuteur, avec une note sur 10 et, dans ma grande magnanimité, des
commentaires et résultats de conférences de consensus sur l'emploi de
telle ou telle orthographe pour un mot (exemple : "connexion" ou
"connection" ? that is the question...). Je m'étonnais, après
coup, de voir ma liste de contacts s'amenuiser avec le temps, avec de
plus en plus de personnes qui restaient dans un rouge désespérant. Je
parvins tout de même à rassembler ce qui me restait de dignité (et de respect pour la liberté
d'autrui à ne pas subir mes niaiseries) afin de résister à l'envie
d'installer un block-checker sur mon ordi. Mes principes furent
récompensés quelques heures plus tard par cette remarque lapidaire de
mon frère : "Je serais toi, j'installerais pas ces conneries sur mon
pc, c'est plein de spywares" (remarque à laquelle je répondis,
rosissante de fierté : "meuh non, je l'ai pas installé, tu penses
bien").
Je
me découvrais aussi une qualité que je pensais avoir perdue lors de mes
années de primaire : parler, des heures durant, sans me lasser (l'insitutrice en faisait de grossesses nerveuses)..
laisser se dérouler le fil de la conversation, à coups de wizz quand je
restais m3ell9a plus de cinq minutes sans une réponse à mon dernier mot
d'esprit, ou d'émoticônes propres à exprimer la vaste palette de
mes émotions du moment ("chuis contente", "chuis fâchée", "hahaha c'est
marrant").Je laissais libre cours à ma créativité artistique et
poussais le raffinement jusqu'à coordonner mes images perso avec ma
phrase de présentation :
(arrivée d'une traversée de la Manche à la nage)
(what's wrong with my haircat ?)
(tiw)
Un petit échantillon de ce que je pensais être de l'humour et que mes amis désignaient sous une autre appellation...
Par ailleurs, je ne me privais plus du luxe de pouvoir les embêter jusque dans leurs foyers (pour les malheureux qui avaient un poste at home), en m'amusant à envoyer des clins d'oeil à des heures indues de la nuit, après m'être assurée que me victime n'avait pas branché son casque et que donc les haut-parleurs feraient leur boulot de diffusion de bruits de foule en délire et autres klaxons, propres à réveiller leur famille endormie, qui les priverait de dessert pour toute la journée du lendemain.
Quand
venait le moment d'aller me coucher, les adieux (pour une séparation de quelque heures de mes interlocuteurs)
contituaient le début d'une nouvelle conversation, que ce soit à cause
d'une divergence sur l'heure d'un rendez-vous prévu pour le lendemain
ou parce que les souhaits de bonne nuit s'éternisaient...
Et quand, les adieux terminés,
venait le moment de me déconnecter, je ne pouvais réprimer un sursaut
lorsque je voyais la durée de ma connexion (3h26, 2h57...). Je n'étais
pas habituée à naviguer sur le net aussi longtemps. Je craignais de
sombrer dans la web-addiction, de me retrouver errant dans une molle
réalité virtuelle, protégée du rayonnement de mon écran par mes
lunettes anti-reflets, avec une perte complète du cycle nycthéméral et plus d'ongles aux mains à cause du frottement continu de mes doigts contre le clavier (mon logiciel de reconnaissance vocale n'étant pas assez rapide pour ma logorrhée).
Je devais tout de même, à mon corps défendant, reconnaître quelques agréments à cette activité... Communiquer, échanger avec des êtres chers était très agréable. Me foutre de ma gueule quand ma webcam faisait des ratés (plus souvent qu'elle ne diffusait des images) et me laissait donc figée dans une grimace particulièrement tordante, l'était encore plus. Avoir une conversation audio et entendre soudainement ma voix se transformer en une succession de sons suraigus digne d'un film bollywoodien ne faisait qu'aggraver la situation puisque le fou rire qui me saisissait, normalement comparable à un hennissement, évoquait alors des glapissements de chihuahua sur lequel on se serait assis par mégarde.
Hélas, il est clair que notre relation doit évoluer... A l'heure où notre rappel au sein de la faculté approche à grands pas, je ne pourrais plus te consacrer mes soirées. Tu risque même d'être utilisé pour des conversations tournant autour de mes études, et ça, je voulais te l'apprendre moi-même, afin que tu t'y prépares psychologiquement. Finies, les études comparées des candidats de Koh Lanta et de ceux de l'Ile de la Tentation. Tu risques de voir des mots comme "préparation", "cours" et peut-être même du vocabulaire scientifique, dans les rares fois où tes fenêtres de conversation seront ouvertes. Il va falloir être fort...
PS : pour ceux que l'Ile de la Tentation fascine, deux sites : le premier et pis le deuxième